i. Ouverture et présence internationale. Conseil de l’Europe la cité interculturelle pas à pas
Ci-dessous, vous trouverez de brèves informations sur le Guide interculturel. Ce guide est destiné aux responsables municipaux et aux praticiens qui souhaitent mettre en œuvre une approche interculturelle de la gestion de la diversité et de l'intégration dans leurs villes. Il propose des étapes, des mesures et des exemples pour élaborer et suivre une stratégie interculturelle.
38
1. Définir une vision interculturelle
Pour mobiliser les citoyens et les ressources autour de l’interculturalité et impulser une dynamique interculturelle, un changement d’état d’esprit est nécessaire – tant chez les élus locaux qu’au sein de la société civile. Autrement dit, la ville doit se poser cette question : « Si notre objectif est de créer une société non seulement libre, égalitaire et harmonieuse, mais également riche de coopérations et d’échanges fructueux entre les cultures, que devons-nous faire de plus, ou différemment ? » Et, plus particulière ment :
« De quel genre de dirigeants (politiques et associatifs) et de citoyens aurons-nous besoin pour ce faire ? Quels nouveaux organismes, réseaux et infrastructures physiques seraient nécessaires ? »
Nous appelons cela construire une vision interculturelle, ou porter un regard nouveau sur la ville, « à travers un prisme interculturel ».
Selon l’approche des cités interculturelles, le développement d’une sensibilité culturelle et l’encouragement au brassage des populations et des cultures ne sont pas considérés comme relevant de la seule responsabilité d’un service ou d’une personne, mais comme un objectif stratégique et un aspect essentiel du fonctionnement de l’ensemble des départements et services municipaux.
L’approche des cités interculturelles ne consiste pas à ajouter
de nouvelles politiques, structures ou initiatives (en effet, beaucoup de problèmes urbains sont dus à un nombre excessif de réglementations, de structures et de contrôles), mais à revoir ce que la ville fait déjà au travers du « prisme interculturel ». Point besoin donc d’engager de nouvelles dépenses pour devenir une cité interculturelle. Bien au contraire, cette démarche pourrait même entraîner des économies et permettre une plus grande efficacité en concentrant les efforts sur des buts communs clairement définis, en éliminant les chevauchements, les rivalités, l’esprit de clocher et le clientélisme.
Comme nous le verrons ci-après, plusieurs éléments sont essentiels pour commencer
à construire une vision interculturelle.
a. Volonté politique et engagement
Le premier (et sans doute le plus important) de ces aspects est la volonté politique.
Tous les textes et travaux portant sur la construction de la ville sont probablement arrivés à la même conclusion et sa validité est difficile à contester.
39
Espace après 0,7 mm et interlignage modifié sur la page
40
La cité interculturelle pas à pas
Les dirigeants municipaux sont souvent pris en étau entre la nécessité de gérer la diversité et de l’encourager dans le cadre de la stratégie de développement de la ville, et l’hostilité latente des électeurs envers les immigrants et les étrangers, alimentée par un discours xénophobe.
Une cité interculturelle ne peut émerger sans un leadership qui valorise explicitement la diversité tout en soutenant les valeurs et les principes constitutionnels de la société européenne. Il faut faire preuve de courage politique pour mettre les électeurs face à leurs craintes et à leurs préjugés. Les dirigeants doivent faire en sorte que ces questions soient abordées dans le cadre du débat public et investir l’argent des contribuables dans des initiatives et des services favorisant l’intégration interculturelle. Une telle approche est risquée d’un point de vue politique mais un bon leader ne doit pas se concentrer exclusivement sur les votes, mais bien sur sa mission de gouverner. En ce sens, les déclarations publiques du maire de Reggio d’Emilie en faveur de la « contamination culturelle » sont exceptionnelles et emblématiques ; elles encouragent une façon de penser qui reconnaît la valeur de la diversité pour la population locale.
Les déclarations et discours des dirigeants, les déclarations du conseil municipal, les documents programmatiques, etc., sont les principaux vecteurs de communication sur l’engagement de la ville en faveur de la diversité. Cet engagement doit être rendu aussi visible et public que possible, et doit être constamment réitéré, particulièrement lors d’occasions symboliques, comme la tenue de manifestations à l’échelle de la ville ou de rassemblements politiques.
Par exemple, selon le président du conseil de district d’Amsterdam-Sud-Est, toutes les grandes métropoles doivent être en perpétuelle mutation si elles veulent survivre et prospérer à l’ère de la mondialisation et de ses nombreuses incertitudes. Cela suppose d’avoir un pied en Occident et un autre dans le monde en développement, un pied en milieu urbain et l’autre en milieu rural, et de prendre conscience du caractère de plus en plus circulaire des migrations ainsi que de la transnationalité et transculturalité des peuples et des économies. Bijlmer (banlieue d’Amsterdam) est ainsi, aujourd’hui, l’illustration de ce qu’un récent ouvrage influent a qualifié de « ville d’arrivée »
17
.
17. Saunders D., Arrival City: How the Largest Migration in History is Reshaping Our World, Heinemann, Londres,
2010.
Construire la cité interculturelle
Un tel endroit met à mal le concept occidental d’urbanisme rationnel et fonctionnel. Ces lieux (et il y a peu d’exemples aussi extrêmes que Bijlmer) se sont avérés désastreux pour la population pauvre et migrante dans la mesure où ils ont donné naissance à une culture de la dépendance et de la marginalité ; Bijlmer est un vivier de main-d’œuvre passive attendant patiemment que l’on fasse appel à elle si la conjoncture économique le nécessite. Il n’est pas surprenant que beaucoup aient cherché à contourner ou transgresser les règles et que l’on ait assisté à l’émergence de modes de vie alternatifs et d’une économie grise. Mais hormis le fait que ces activités sont prohibées, le président du conseil de district estime qu’elles peuvent être source d’une nouvelle créativité et de l’innovation dont une ville comme Amsterdam a cruellement besoin. S’inspirant d’un autre ouvrage
18
, il établit une distinction entre les « urbanistes » qui imposent d’en haut des solutions idéalistes mais irréalistes et les « chercheurs » qui privilégient les initiatives venant de la base afin de répondre à des besoins spécifiques.
Il se place lui-même dans la seconde catégorie.
1920212223
Exemples
Plusieurs maires manifestent leur engagement interculturel dans la vidéo ICC
19
.
Voir également les déclarations des maires d’Amsterdam
20
, de Londres-Bexley
21
et de Copenhague
22
officialisant leur engagement en faveur d’une gestion positive de la diversité.
Déclaration du conseil municipal de Tilburg
23
sur la diversité.
Estimant que les habitants d’Amsterdam-Sud-Est sont naturellement sensibles à une approche cosmopolite et interculturelle, le président du conseil de district juge que le moment est venu pour le district d’adhérer à un projet tel que l’ICC. Il ne faut plus s’en tenir aux seules préoccupations locales et à une dynamique de développement autocentrée. Il est désormais temps de chercher des opportunités à l’extérieur. Selon
18. Easterly W., The White Man’s Burden: Why the West’s Efforts to Aid the Rest Have Done So Much Ill and So
Little Good, Penguin Press HC, Londres, 2006.
19. www.youtube.com/watch?v=MS6UQowJd8s.
20. www.iamsterdam.com/en-GB/living/city-of-amsterdam/people-culture/diversity-in-the-city
21. www.bexley.gov.uk/CHttpHandler.ashx?id=205&p=0.
22. www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/culture/Cities/Newsletter/newsletter16/scream_fr.asp.
23. www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/culture/Cities/tilburgprofile_en.pdf.
41
Notes de bas de page en blanc
42
La cité interculturelle pas à pas lui, le district n’a pas suffisamment exploité et tiré profit des réseaux de la diaspora et des compétences de sa population hétérogène. Il souhaite le mélange des cultures tout en étant conscient du fait que, paradoxalement, utiliser les cultures pour en retirer des avantages économiques et sociaux peut avoir pour effet de renforcer les différences. Ainsi, les Surinamiens estiment qu’Amsterdam-Sud-Est fait traditionnellement partie de leur patrimoine et éprouvent un certain ressentiment à l’égard des nouveaux arrivants turcs ou marocains. Le président du conseil de district considère pour sa part que ces derniers prennent un risque en s’immergeant dans une culture différente de la leur, et méritent à ce titre d’être encouragés.
b. Un discours favorable à la diversité
La question du leadership est à rapprocher de celle du discours politique – compris au sens large comme une communication symbolique – , la manière dont les perceptions publiques de la diversité sont déterminées par la langue, les symboles, des thèmes, des dates et d’autres éléments de la vie collective. Les artefacts culturels symbolisant l’identité d’une culture sont souvent les premiers à être détruits lors de conflits intercommunautaires violents – ils peuvent en effet transmettre un message fort concernant l’identité plurielle de la ville.
La communication et le débat public sont des éléments essentiels des stratégies locales en faveur de la diversité. Il est important de reconnaître publiquement que la diversité constitue un atout et d’aborder les mythes et préjugés infondés relatifs aux minorités, afin de garantir la viabilité des politiques d’intégration et d’encourager la confiance et la cohésion sociales.
Communiquer sur l’immigration et la diversité est une tâche complexe, et les résultats sont difficiles à évaluer. Le manque de connaissances concernant la réalité de la diversité, de la migration et de l’intégration, l’expression d’idées xénophobes et racistes sur la scène publique et dans les médias, la désinformation et les perceptions erronées réduisent l’efficacité des efforts d’intégration et minent la cohésion de la collectivité.
Les dirigeants politiques qui se sont engagés en faveur de l’intégration interculturelle doivent souligner la valeur de la diversité pour le développement de la ville dans leurs déclarations écrites ou orales, dans leurs interviews et dans les médias sociaux, et mobiliser un large réseau d’organisations et de personnes prêtes à relayer ce discours auprès du grand public.
Construire la cité interculturelle
Exemple
La mairie de Barcelone a identifié les préjugés et les stéréotypes qui sont souvent associés à la population immigrée. Elle met actuellement en œuvre une initiative visant à sensibiliser les citoyens ainsi qu’à combattre les perceptions négatives à l’égard des migrants.
Cette initiative fait partie du Plan interculturel de la mairie de Barcelone. Outre l’appui politique de la municipalité, elle bénéficie également du soutien de 200 associations locales, fortes de 3 000 personnes. Tous contribuent à la mise en œuvre d’une politique qui favorise et gère la coexistence pacifique d’une population de plus en plus diversifiée.
L’initiative comporte plusieurs volets, notamment : une formation gratuite pour les acteurs locaux travaillant avec les populations immigrées ; la diffusion d’une bande dessinée didactique illustrée par un artiste local, Miguel Gallardo ; la distribution d’un manuel destiné aux acteurs de la cohésion sociale et de l’intégration interculturelle ; enfin, la création d’un site web qui sert de centre de ressources sur les politiques mises en œuvre pour lutter contre les préjugés et les stéréotypes
24
.
Les campagnes de sensibilisation de l’opinion peuvent être utiles pour accroître le soutien populaire à la diversité et améliorer la compréhension des avantages que celleci induit, à condition qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie plus large et qu’elles soient bien préparées. Outre l’impact de la communication, les campagnes aident à concentrer les efforts des dirigeants, des responsables, des associations et autres parties prenantes sur un but commun, une préoccupation partagée, au-delà des clivages et des intérêts sectoriels, contribuant ainsi à assurer la cohérence, l’efficacité et la durabilité des politiques interculturelles.
24
Nous présentons ci-après quelques recommandations fondées sur le programme
Sparda
25
, mené par le Conseil de l’Europe et sept villes partenaires, avec le concours de l’Union européenne.
24. www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/culture/Cities/Newsletter/newsletter15/barcelona_fr.asp.
25. Sparda: Shaping perceptions and attitudes to realise the diversity advantage (Influer sur la perception et les attitudes pour faire de la diversité un avantage) : www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/culture/sparda/ default_FR.asp ?.
43
Note en blanc du tableau

Lien public mis à jour
Le lien public vers votre chat a été mis à jour.
Caractéristiques clés
- Fournit des étapes pour élaborer une stratégie interculturelle.
- Illustre les éléments d'une stratégie interculturelle avec des exemples.
- S'appuie sur les pratiques de différentes villes européennes.
- Offre une approche interculturelle de la gestion de la diversité et de l'intégration.
- Met en avant la diversité comme un facteur de développement plutôt que comme une menace.